mardi 2 octobre 2007

La Fayette, une vie pour la Liberté

Avec quelques jours de retard nous fêtons les 250 ans de la naissance de l'homme qui a donné tout son sens à la relation particulière entre la France et les États-Unis d'Amérique. Le 7 septembre 1757 naissait Gilbert du Motier, que le monde entier connaîtra sous le nom de La Fayette, “le héros des deux mondes”. C'est en son nom que les Américains viendrons en 1917, puis en 1944, au secours de la République française. Les dizaines de milliers de soldats venus du nouveau monde qui reposent dans les cimetières militaires américains à travers la France témoignent que la dette des quelques centaines de soldats français morts pour l'indépendance des Etats-Unis a bien été remboursée.

Actuellement La Fayette est le nom d'une classe de frégates de la Marine nationale (celles vendues à Taiwan) ; et les Galeries Lafayette (nom écrit à l'américaine en un seul mot), grand magasin parisien, sont connues dans toute la France. Pourtant sait-on qui fut Gilbert du Motier, marquis de la Fayette, celui qu'on appelait “le héros des deux mondes” ? En cette année 2007 où l'on fête les 250 ans de sa naissance, un rappel historique s'impose.

Aujourd'hui encore, le général de La Fayette n'a pas la place qu'il mérite dans l'histoire de France. Il fut l'un des acteurs principaux de l'indépendance américaine. Rentré en France, il fut un des initiateurs de la Révolution française. Aux premières places en 1789, lors des Etats généraux, puis lors de la prise de la Bastille. C'est lui qui donna le nouveau drapeau tricolore à la Révolution, avec les 3 couleurs qui s'étaient couvertes de gloire au nouveau monde et qui symbolisait la nouvelle démocratie. Il est l'un des auteurs de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Il ne participa pas à l'Empire et fut l'un de ceux qui organisa la rébellion de l'Assemblée contre Napoléon, l'obligeant à abdiquer le 22 juin 1815. Il fut l'un des opposants à la Restauration. Il fut enfin au premier plan lors de la Révolution de 1830, chef des Gardes Nationales, il préféra introniser Louis-Philippe plutôt que se lancer dans une aventure républicaine qui risquait de tourner à la guerre civile, rappelant la Terreur et ses crimes…

Chateaubriand, qui n'était pas du genre à faire des louanges, a dit de lui : « Il a fallu plus de quarante années pour qu'on reconnût dans M. de La Fayette des qualités qu'on s'était obstiné à lui refuser. A la tribune il s'expliquait facilement et du ton d'un homme de bonne compagnie. Aucune souillure ne s'est attachée à sa vie ; il était affable, obligeant, généreux. Sous l'Empire, il fut noble et vécut à part […] Dans les commencements de la Révolution, il ne se mêla point aux égorgeurs ; il les combattit à main armée et voulu sauver Louis XVI. […] M. de la Fayette sera éternellement la Garde Nationale. […] [Il] n'avait qu'une idée et, heureusement pour lui, elle était celle du siècle. » Cet idéal, c'était la liberté…








La Fayette en uniforme de la Garde Nationale














Chateaubriand a certainement vu juste, La Fayette a consacré sa vie à la liberté et c'est pour cela qu'il n'a pas pris le pouvoir, imposé par la force un régime, même républicain. C'était aller à l'encontre de toutes les idées pour lesquelles il avait donné sa vie, sa fortune et sa gloire… Beaucoup lui reproche encore de n'avoir pas saisi sa chance, de n'avoir pas imposé -- pour le bonheur des Français -- la démocratie à la fondation de laquelle il avait participé en Amérique. Mais peut-on imposer la démocratie ? Il croyait en la souveraineté nationale, il n'avait pas du tout envie de participer au triomphe d'une partie du peuple sur une autre. Washington avait été élu, pas lui -- il a exercé différents mandats électifs avec diligence, Maire, Conseiller général et Député, même pour exercer le commandement des Gardes Nationales il avait été élu -- on peut penser que s'il avait été élu Président de la République il aurait exercé cette tâche avec le plus grand dévouement au service de la nation, mais il n'a pas fait de coup d'État parce qu'il était tout, sauf un dictateur.

Odilon Barrot, chef de l'opposition à la Monarchie de Juillet et organisateur des banquets qui sont l'étincelle de la Révolution de 1848, a déclaré ceci lors de l'inhumation de son ami le général de la Fayette en 1834 : « Je n'ai jamais rencontré un homme de plus de grandeur d'âme, unie à plus de bonté et de simplicité, une fois plus entière dans les droits du peuple, unie à un dévouement plus absolu, à un courage plus héroïque pour les faire triompher ; et si même on peut adresser un reproche à cette noble nature, c'est l'exagération de ses qualités. Soupçonnant difficilement dans autrui le mal qui n'était pas en lui, le général de la Fayette accordait trop facilement sa confiance et on en a souvent abusé. Emporté par le besoin de se dévouer, il était trop disposé à préférer les tentatives où il exposait sa vie, aux efforts patients et persévérants de la lutte légale. Lorsqu'il me disait que “le jour le plus heureux de sa vie serait celui où il monterait sur l'échafaud pour y confesser sa foi politique”, il ne disait rien de forcé et ne faisait qu'exprimer un sentiment qui lui était naturel ; c'est que la liberté était une religion pour lui et que s'il avait la foi des martyrs, il en avait aussi la sublime résignation. Aucune vie d'homme dans nos temps modernes n'a offert une plus belle et plus parfaite unité. » Ce portrait résume bien le caractère de La Fayette.

L'un des principaux fondateurs de la Troisième République, Adolphe Thiers, a aussi écrit ces mots lors de la mort de La Fayette : « Adoré de ses troupes sans les avoir captivées par la victoire, plein de ressources au milieu des fureurs de la multitude, il maintenait l'ordre avec une vigilance infatigable. Les partis qui l'avaient trouvé incorruptible, accusaient son habileté, parce qu'ils ne pouvaient accuser son caractère. Cependant il ne se trompait pas sur les événements et les hommes… luttait souvent sans espoir contre les factions mais avec la constance d'un homme qui ne doit jamais abandonner la chose publique, alors même qu'il n'espère plus pour elle. »

Né le 6 septembre 1757 en Auvergne, Gilbert du Motier, marquis de La Fayette est l'un des meilleurs partis de France. A 16 ans on le marie à Adrienne de Noailles -- avec qui il aura une union très heureuse -- ce qui le rattache à l'une des familles les plus importante du royaume. Lorsqu'à 19 ans il s'enthousiasme pour la rébellion des colons britanniques d'Amérique contre leur roi George III, il fait partie de la maison militaire du roi de France Louis XVI, qu'il connaît en personne ; il a déjà beaucoup fréquenté la Cour et les salons et il a déjà dansé avec la reine Marie-Antoinette.


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 La Fayette et Washington à Valley Forge  




Pourtant c'est sans la permission de Louis XVI -- qui craint que l'engagement du jeune La Fayette ne soit interprété comme l'engagement officiel de la France -- qu'il s'embarque en avril 1777, après avoir appris que les 13 colonies d'Amérique ont déclaré leur indépendance. Le 7 juin 1777, lors de la traversée qui dure près de deux mois, il écrit dans une lettre à sa femme : « Défenseur de cette liberté que j'idolâtre, libre moi-même plus que personne, en venant comme ami offrir mes services à cette république si intéressante, je n'y porte que ma franchise et ma bonne volonté ; nul ambition, nul intérêt particulier ; en travaillant pour ma gloire, je travaille pour leur bonheur. […] Le bonheur de l'Amérique est intimement lié au bonheur de toute l'humanité ; elle va devenir le respectable et sûr asile de la vertu, de l'honnêteté, de la tolérance, de l'égalité et d'une tranquille liberté. » Il y fait preuve d'une prémonition assez exceptionnelle.

Lors de son arrivée aux tous nouveaux États-Unis d'Amérique, La Fayette ne reçoit pas un accueil très enthousiaste de la part du Congrès continental. Il déclare alors : « C’est à l’heure du danger que je souhaite partager votre fortune », et dans un billet remis au président du Congrès : « Je ne veux obtenir de vous qu’une seule faveur, celle de me battre comme un simple soldat, volontaire et sans solde ». Particulièrement apprécié par les Américains, il est incorporé avec le grade de major-général. Il va encore faire preuve d'humilité en déclarant à Washington lors d'une de leurs premières inspections : « Je suis ici pour apprendre et non pour enseigner. » La Fayette avait la même façon de voir les choses que les Américains et ceux-ci l'on adopté comme l'un des leurs. Sa statue trône aujourd'hui devant la Maison-Blanche à Washington et il a été élevé au rang de "citoyen d'honneur des États-Unis d'Amérique", dignité attribué à seulement quatre autres personnes.

Élu député aux États généraux, membre de l'aristocratie libérale, le marquis de la Fayette est l'un des principaux acteurs des événements de 1789. Élu chef de la Garde Nationale de Paris, qui était une milice citoyenne, il s'illustra plusieurs fois à sa tête. Cependant la Garde Nationale de Paris n'a pas vraiment de rapport avec une force de police telle qu'on peut la concevoir aujourd'hui, ni même avec une unité militaire. En effet, composée des citoyens propriétaires de la capitale, mobilisés à temps partiel. Elle a pour rôle essentiel le maintient de l'ordre dans le but de protéger les habitants de Paris et leurs biens, ses officiers sont élus (ce qui est révolutionnaire à une époque où les unités militaires étaient la propriété de leurs officiers nobles), ce qui engage le consentement des gardes nationaux aux actions dans lesquelles on les implique, il est souvent reproché à la Garde Nationale de n'avoir pas assez protégé Louis XVI, l'explication se trouve peut-être là, était-ce vraiment son rôle ?










 La Fayette général commandant l'armée révolutionnaire











La Fayette, qui a prouvé ses talents militaires en Amérique, est l'un des principaux généraux de l'armée qui doit défendre la France et la Révolution contre la première coalition. Il combat aux Pays-Bas (actuelle Belgique) et lorsque l'Assemblée le met en état d'arrestation, il tente de rejoindre un pays neutre et est arrêté par les Autrichiens. Il va passer plusieurs années difficiles en captivité pour ne rentrer en France que sous l'Empire. On tente alors de le mêler à l'aventure impériale dans le but de se servir de sa gloire, mais La Fayette a toujours combattu ce régime au nom de la liberté. Il organise la rébellion de l'Assemblée contre Napoléon, qui, défait à Waterloo venait demander à Paris la mobilisation nationale ; et obtient ainsi sa reddition ; mais il s'oppose ensuite à la restauration, car celle-ci n'aboutit pas à un régime libéral.

Pour conclure on peut dire que Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, n'a sûrement pas la place qu'il mérite dans l'histoire de France car celle-ci a été, et est toujours, écrite par les adversaires les plus acharnés de l'idée à laquelle il était entièrement dévoué, et à laquelle il a consacré sa vie, celle de faire des Français des hommes libres qui puissent décider par eux-mêmes de la manière dont ils mènent leurs vies.










La liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830.
Tableau représentant les
"trois glorieuse", les journées révolutionnaires de 1830, dont La Fayette fut le héros.

1 commentaire:

charente a dit…

je pense que La Fayette se serait sorti grandi s'il avait réussi à protéger le roi. Car la France reste toujours malade d'avoir guillotiné le roi et surtout tué des innocents (sa femme et son fils) en plus de milliers d'autres (guerres de vendée)